Des ponts plus sûrs grâce à une nouvelle méthode par ultrasons
Le béton armé, matériau incontournable des bâtiments, ponts et autres ouvrages d'art, présente un défi majeur : évaluer son état et sa sécurité reste complexe. Un groupe de recherche, incluant l’Université technique de Munich (TUM), travaille sur une méthode ultrasensible révolutionnaire pour surveiller ces structures. Grâce à de nouveaux capteurs et des modèles de calcul avancés, il sera désormais possible de détecter précisément les zones endommagées et d’assurer un contrôle détaillé des infrastructures en béton.
Les structures en béton armé doivent supporter des contraintes extrêmes : le poids et les vibrations des trains rapides et de marchandises, ou encore les forces exercées sur un immeuble de grande hauteur. Ces sollicitations rendent d’autant plus crucial un contrôle régulier de l’état du matériau et de l’ensemble de la structure. Jusqu’à présent, ces inspections reposent sur des méthodes complexes, chronophages et coûteuses. Pour examiner les ponts, par exemple, les ouvriers utilisent des marteaux pour détecter d’éventuelles cavités, une procédure qui nécessite parfois de bloquer l’accès à ces infrastructures. Malgré ces contrôles réguliers, le risque de défaillances graves, comme l’effondrement du pont Carolabrücke à Dresde, ne peut être totalement écarté.
C'est pourquoi des recherches sont menées depuis longtemps sur les méthodes de contrôle par ultrasons. Le groupe de recherche CoDA (Concrete Damage Assessment by Coda Waves) vient de présenter des résultats prometteurs concernant une nouvelle méthode : À l'aide de ce que l'on appelle l'interférométrie à ondes de coda (CWI) ultrasensible basée sur les ultrasons, il sera possible à l'avenir de surveiller les constructions non seulement de manière ponctuelle, mais aussi de manière continue et globale. Cela permet de détecter à temps les modifications critiques des constructions et de prendre des mesures à temps afin d'éviter les fermetures ou les évacuations.
Mesures en conditions réelles
La CWI est une méthode de surveillance et d'analyse des modifications de matériaux, particulièrement adaptée aux éléments de construction en béton et en béton précontraint. Elle utilise des ondes ultrasonores pour détecter de très petits changements dans la structure du matériau. Cette technique est particulièrement utile pour détecter de manière précoce les états de tension et les dommages potentiels.
Le groupe de recherche CoDA teste à présent l'application de la CWI pour la surveillance des structures en béton armé dans le cadre d'essais à long terme sur deux structures. Depuis 2021, les chercheurs mesurent l'état du pont Gänstor, long de 96 mètres, entre Ulm et Neu-Ulm, à l'aide de capteurs à ultrasons. En 2022, les mesures ont commencé à la station de métro Scheidplatz de Munich. Là, les capteurs mesurent la charge exercée sur le plafond de l'ouvrage par le trafic de tramway en surface. La transposition du travail commun en cours à la surveillance du pont Gänstor a été présentée et publiée dans le cadre de l'International Conference on Bridges in Danube Basin (ICBDB) le 21 novembre à la TUM.
Des modèles assistés par ordinateur traduisent les signaux
Les capteurs tubulaires d'une longueur de 75 millimètres et d'un diamètre maximal de 20 millimètres sont placés de manière permanente dans des trous de forage ou directement dans l'ouvrage lors de sa fabrication et fournissent en continu des données sur la charge momentanée et les modifications du matériau dues au vieillissement. Mais les signaux des capteurs à ultrasons ne disent rien sur le degré d'endommagement ni sur la position exacte d'éventuels dommages. Ils doivent d'abord être traduits et interprétés.
C’est ici que les modélisations et simulations mathématiques et physiques complexes entrent en jeu. Couplées à l’apprentissage automatique, elles permettent d’interpréter les données ultrasonores pour identifier les variations des propriétés physiques des matériaux, comme la rigidité, à différentes échelles. Ces techniques ne se contentent pas de détecter l’intensité des dommages, elles en localisent également avec précision l’emplacement. Les données issues des capteurs sont transmises à un serveur, offrant ainsi une surveillance à distance des infrastructures. À terme, cette approche centralisée pourrait permettre de contrôler efficacement un grand nombre d’ouvrages en simultané.
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